Une fille en voiture

C’est bien connu, quand on fait une longue route en voiture, réussir à s’occuper relève du défi intellectuel. Je parle évidemment de l’ennui du passager unique, occupant le siège répondant au doux nom de « place du mort ». Assis à côté du conducteur, il tente de se distraire sans pour autant trop perturber celui-ci. 

Je l’avoue, j’aurais tendance à perturber mon chauffeur : je parle trop. Regardant le paysage, inspirée par tout et n’importe quoi, je ne manque pas de lui faire part de mes idées. « Hé, n’empêche, t’as vu, c’est marrant comment la nature est faite…c’est fou que malgré tout ce vent, les arbres résistent et continuent de monter vers le haut, cette force qui les pousse… » ; ou «  Waaa la maison ! C’est une comme ça que je voudrais plus tard ! Tu trouves pas qu’elle est trop belle ? Quoique j’enlèverais le truc devant, c’est moche, et tu vois moi je verrais bien un grand portail, et un grand domaine, parce qu’au milieu de la ville comme ça c’est dommage, la maison est un peu coincée, on voit pas bien tout ce qu’elle dégage… Tu vois ce que je veux dire ? » ; ou encore : « Ah j’adore ça… j’adore ça me réveille ! Tu vois pas de quoi je parle ? Mais si… De cette ambiance autour de nous… Le jour se couche et la nuit se lève, ça dure longtemps, j’adore ce moment-là… Tu ressens pas qu’il y a une force énorme, comme si l’énergie du jour s’évaporait vers le ciel, que celle de la nuit tombait sur le sol, et que tout l’environnement prenait un nouveau souffle ? ». 

Vous voyez le genre. Je suis très inspirée dans la vie. Surtout quand je voyage en voiture. Mais il y a un mais. Car mon chauffeur, c’est mon chéri. Ce n’est pas un mal en soi, bien au contraire. Mais s’il sourit en écoutant mes envolées lyriques, il est bien loin de les alimenter. C’est pour cela que j’aurais seulement tendance à perturber mon chauffeur. En réalité, il est aussi imperturbable que je suis loquace. 

Bon. Alors je me tais (j'essaie), je continue à penser à des tas de trucs, toute seule, dans ma tête. Mais forcément, c’est moins marrant. Il suffit d’une musique un peu badante à la radio pour que je devienne presque mélancolique. A mes pieds le Poulette Bag, offert par Manuela lors de la Poulette Party, qui contient (une partie de) mes affaires pour les vacances. Je fouille. Oh ! Joie ! Le Femme Actuelle de cette semaine que j’ai eu gratos. Tout neuf, tout frais, jamais ouvert. Je le feuillette. Comme à tous les signes astrologiques, on promet au mien un été heureux et sensuel. Tiens, quelle originalité ! Pour une fois, ils auraient pu nous pondre un horoscope de l'été un peu différent, histoire de nous surprendre. Du genre :

« Votre moral n’est pas au beau fixe : vous ne rentrez plus dans votre maillot de l'année dernière. Heureusement, 1^er au 5 juillet Gémeaux passe en Capricorne et vous insufflera l’envie de vous remettre au sport, enfin. Attention cependant, les nuages réapparaissent le 15 juillet : votre capital sensualité perd de son intensité. Attiré par une paire de gros seins sur la plage, votre cher et tendre se détourne de vous. Du côté du miroir, le reflet n’est pas glorieux : teint terne, boutons… votre peau fait des siennes, écoutez-là. Niveau professionnel, la porte qui s’était enfin entrouverte sur une possibilité avantageuse se referme soudainement. Une bonne cure de vitamines vous ferait du bien ! 

En conclusion, un été sous le signe du changement et de la remise en question. Vivement la rentrée … et une bonne visite chez le dermato ! ». 

Bon. J’ai fini de lire mon magazine. Je fouille encore dans mon sac. Il y en a des choses. Ah ! La palette The Original, de Sleek ! Et un pinceau ! Je regarde ma tête dans le miroir du pare-soleil. C’est pas fameux. Je me suis maquillée à l’arrach (oui oui, cette expression vient de gagner sa place dans le dictionnaire) ce matin : une BB crème et un coup de mascara rapide. Hé bien, voilà de quoi m’occuper ! Le miroir associé à la palette est très pratique, il permet de voir en détail ce que l’on est en train de faire. Je m’amuse, je prends mon temps. 

J’utilise 4 teintes : un rose assez pâle que j’applique sur toute la paupière mobile, un bleu marine que je dépose sur la moitié externe de la paupière mobile en étirant vers l’extérieur et vers le haut, un noir que j’utilise pour faire un « V » externe et créer un bleu nuit en le mélangeant avec le bleu marine. Et enfin, une touche illuminatrice avec le fard un peu jaune, un peu blanc, un peu beige (je n'ai jamais su) présent en bas à gauche de la palette. J’en mets en coin interne de l’œil et sous l’arcade sourcilière. Tout ça avec le pinceau de la Naked 2, dont j’utilise le côté plat pour appliquer les fards, et le côté estompeur pour… les estomper. 

 

Maintenant je peux baisser le pare-soleil et selon la chanson qui passe à la radio, me lancer des regards glamours, tristes ou meurtriers. Au choix.

Et après ?